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Retour à la listeCertains ergothérapeutes ont récemment contacté l’Ordre afin d’obtenir des balises concernant les possibilités d’interventions ergothérapiques à distance. Le but de cet article est donc de situer certaines possibilités et limites de l’intervention à distance à l’égard des aspects cliniques. Par conséquent, il ne couvre pas les aspects juridiques, tels que les interventions interterritoriales, ni les normes technologiques propres à la dispensation de cette forme de prestation de services.
Le contexte particulier d’intervention à distance peut comporter plusieurs appellations, dont télépratique, télésanté, téléréadaptation ou télé-ergothérapie, et se définit globalement comme la dispensation de services à distance par l’entremise des technologies de l’information et des communications (TIC)1. De nos jours, les technologies de pointe permettent les interactions entre le client dans son milieu de vie (p. ex. : maison, travail) et le professionnel à son lieu d’exercice. Toutefois, en ce qui a trait à la téléréadaptation, bien qu’elle démontre une avenue prometteuse, les données probantes à l’égard des bienfaits de ce mode d’intervention demeurent limitées2,3,4,5.
En ce qui a trait aux aspects cliniques, divers éléments doivent être pris en compte lorsqu’on envisage de dispenser des services d’ergothérapie à distance. D’abord, le fait que l’intervention soit à distance ne doit pas diminuer la qualité des services rendus. Dans cette optique, certaines situations cliniques ne s’y prêtent pas. Par exemple, le recueil des données pertinentes à l’évaluation peut être très limité, voire impossible, lorsqu’une communication claire du client est essentielle (p. ex. : le langage corporel) ou lorsque des éléments d’évaluation nécessitent une intervention manuelle effectuée directement par l’ergothérapeute (p. ex. : évaluation de la sensibilité). Au-delà des situations cliniques, l’ergothérapeute doit s’assurer d’avoir les compétences informatiques et les ressources technologiques nécessaires à la prestation d’un service de qualité et au développement d’une relation de confiance. Ce dernier aspect inclut un son et une image de qualité ainsi qu’une bonne fiabilité des TIC utilisées.
Comme c’est le cas pour l’intervention en présence, le consentement du client est requis avant d’entreprendre une intervention à distance. Dans ce cas particulier, le client doit être informé des limites incombant à la confidentialité et à la fiabilité des TIC utilisées et au type d’intervention à distance, notamment du fait que d’autres personnes peuvent être présentes pour assurer le fonctionnement optimal de la technologie. Le client doit également être informé des coûts liés à l’utilisation des TIC, dans l’éventualité où une partie ou la totalité de ceux-ci lui soit réclamée.
Que l’intervention ait lieu en contexte présentiel ou virtuel, le client a les mêmes droits relatifs à la confidentialité et au secret professionnel. À cet effet, l’ergothérapeute doit s’informer de la présence de tiers ayant accès aux échanges dans l’environnement du client avant d’entamer des discussions de nature confidentielle avec ce dernier. De la même façon, il est important que l’ergothérapeute connaisse les paramètres de confidentialité des TIC utilisées et qu’il privilégie celles offrant des mesures de confidentialité adéquates. En ce qui a trait à l’enregistrement des séances, les mêmes conditions prévalent que dans le cas de l’enregistrement en présence et celui-ci doit faire l’objet du consentement du client. Finalement, quelle que soit la forme de prestation de services, le respect des obligations et des normes relatives à la tenue des dossiers s’applique.
En conclusion, la recherche scientifique sur l’efficacité de l’intervention à distance en étant à ses premiers pas, cette forme de prestation de services ne devrait être utilisée que de manière complémentaire aux mesures déjà en place et être limitée aux interventions qui s’y prêtent, et ce, dans l’optique de rendre accessible des services d’ergothérapie à l’ensemble de la population québécoise. Certaines situations peuvent, dans les conditions préalablement énumérées, être plus favorables aux interventions à distance. Néanmoins, chaque situation doit être évaluée par l’ergothérapeute qui, en définitive, a la responsabilité d’assurer des services professionnels de qualité.
1. Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d’autres dispositions législatives, a. 108.1 al. 3
2. Agence d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (AETMIS). (2006). Télésanté : lignes directrices cliniques et normes technologiques en téléréadatpation), ETMIS, 2(3), 74 p.
3. Hailey, D., Roine, R., Ohinmaa, A., & Dennett, L. (2011). Evidence of benefit from telerehabilitation in routine care : A systematic review. Journal of Telemedicine and Telecare, 17(6), 281-287.
4. Huisin ‘t Veld,,M.H.A., van Dijk, H., Hermens, H. J., & Vollenbroek-Hutten, M. (2006). A systematic review of the methodology of telemedicine evaluation in patients with postural and movement disorders. Journal of Telemedicine and Telecare, 12(6), 289-297.
5. Russell, T. G. (2007). Physical rehabilitation using telemedicine. Journal of Telemedicine and Telecare, 13(5), 217-220.