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Retour à la listeDe nombreux ergothérapeutes communiquent avec l’Ordre pour qu’il les aide à orienter leur prise de décision après avoir reçu une demande de services leur apparaissant trop directive, voire limitative, par rapport aux services qu’ils croient être en mesure d’offrir. Ils se questionnent sur le « droit » du demandeur de circonscrire ainsi leurs interventions. Certains ergothérapeutes croient aussi qu’il est attendu d’eux d’évaluer le client dans sa globalité, et ce, quelle que soit la demande de services. À l’opposé, d’autres se réfugient derrière la demande de services et s’y restreignent à un point tel qu’ils peuvent effectuer une évaluation incomplète et, en conséquence, omettre d’importants facteurs contributifs à leur analyse, à leur plan d’intervention ou à leurs recommandations.
Cet article reprend les notions liées à la clarification de la demande de services telles qu’elles sont abordées dans le document « Cadres légal et normatif de la tenue des dossiers en ergothérapie » et dans l’activité de formation continue « Tenue des dossiers : habiletés de rédaction ». Des exemples applicables aux secteurs public et privé illustrent l’importance pour les ergothérapeutes de clarifier adéquatement les demandes de services.
Rappelons d’abord que l’ergothérapeute a la responsabilité de clarifier la demande de services auprès du demandeur. C’est une action essentielle avant d’amorcer tout processus d’intervention auprès d’un client. Si l’ergothérapeute reçoit une demande de services très restreinte, celle-ci peut signifier que le demandeur connaît peu l’ergothérapie ou mesure mal le degré d’autonomie professionnelle dont jouissent les ergothérapeutes. Par exemple, une demande du type « Évaluation — besoin d’une barre plafond-plancher pour les transferts » est une demande de services inappropriée. Il revient à l’ergothérapeute d’évaluer le client et de déterminer le plan d’intervention répondant aux besoins qu’il aura définis. Dans certains cas, avec l’accord du demandeur, la demande de services devra être reformulée. Une note confirmant la demande de services reformulée selon l’entente avec le demandeur devra être inscrite au dossier.
Il est toutefois possible qu’une demande de services soit restreinte à un service particulier, notamment en raison de l’offre de services d’un établissement ou d’un programme-clientèle. Il en va de même de certains services demandés par un tiers payeur (public ou privé) qui souhaite une opinion professionnelle en ergothérapie sur une situation particulière. Ces deux circonstances ayant des conséquences très différentes pour le client, elles sont abordées séparément.
Les établissements publics offrent un ensemble de services qui peut varier en fonction de leur mission ou de la population cible. Bien souvent, les ergothérapeutes exercent leur profession dans un ou des programmes clientèles (ou équipes multidisciplinaires) qui peuvent également comporter des offres de services différentes. Dans un tel contexte, l’ergothérapeute pourrait recevoir une demande de services très circonscrite telle « Évaluation du risque de chute à domicile ». Selon son jugement professionnel, il déterminera l’étendue de l’évaluation à réaliser et des suites à donner à cette évaluation. S’il voit d’autres besoins en ergothérapie auxquels il ne peut répondre lui-même en fonction des services offerts par le milieu ou de sa politique de gestion des priorités, il se doit d’en faire mention dans son dossier et d’en informer le client. Il fera alors les recommandations appropriées selon les besoins évalués et les ressources disponibles. Avec le consentement du client, il pourra le diriger vers les ressources pertinentes (ex. : transmettre une demande de services à un autre programme ou à un autre établissement (voire à des services en privé), placer le client en liste d’attente selon les priorités établies par l’établissement, etc.).
Les tiers payeurs (publics et privés) peuvent également transmettre aux ergothérapeutes des demandes de services très ciblées. Encore une fois, il est primordial que le professionnel assume la responsabilité de clarifier la demande auprès du demandeur. Dans le secteur privé, on se trouve alors en présence d’une négociation d’un contrat de services professionnels. Selon les teneurs de la négociation, l’ergothérapeute peut refuser le contrat. Il peut également l’accepter tout en respectant ses normes professionnelles et, le cas échéant, le cadre légal ou contractuel propre au tiers payeur. En retour, il doit informer clairement le demandeur et le client des limites que la demande de services ciblée impose à ses interventions. Son opinion professionnelle sur les résultats d’évaluation, leur analyse et les recommandations subséquentes devra établir des liens avec la demande de services et refléter les limites imposées par celle-ci. Comme dans l’exemple du secteur public, l’ergothérapeute qui détermine d’autres besoins en ergothérapie auxquels il ne peut répondre dans le cadre du contrat de services professionnels doit en faire part au tiers payeur et au client.
Les situations présentées sont des illustrations démontrant qu’un ergothérapeute peut accepter de répondre à des demandes de services ciblées tout en assumant pleinement ses responsabilités professionnelles. Il y a certainement de nombreuses autres situations que celles précédemment énoncées. Les principes généraux décrits dans cet article s’appliquent toutefois aux situations similaires. Accepter une demande de service ciblée, est-ce possible ? Oui, mais en s’assurant que l’ergothérapeute et le demandeur comprennent bien la demande et les limites de celle-ci sur les interventions et les opinions professionnelles de l’ergothérapeute, et ce, afin de servir au mieux le client sans risque de lui porter préjudice.