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Retour à la listeParmi les demandes d’information fréquemment acheminées au bureau du syndic de l’Ordre des ergothérapeutes du Québec, on compte chaque année un bon nombre de questions concernant la facturation des honoraires professionnels. Avec le développement de la pratique dans le secteur privé, il convient de faire le point sur cette problématique.
Le Petit Robert définit ainsi le mot « honoraires » : rétribution accordée en échange de leurs services aux personnes exerçant une profession libérale. À l’instar de la plupart des autres professionnels, les ergothérapeutes rendent des services dont le produit est beaucoup moins tangible que le bien vendu par le commerçant.
Pour le non initié, il peut donc être difficile d’apprécier la valeur des services professionnels rendus. L’ergothérapeute n’en a pas moins l’obligation de réclamer d’un client que des honoraires justifiés par les circonstances et proportionnels aux services rendus (art. 3.08.01 du Code de déontologie), en tenant compte des trois facteurs suivants :
- Le temps consacré à l’exécution du service professionnel;
- La difficulté et l’importance du service;
- La prestation de services inhabituels ou exigeant une compétence ou une célérité exceptionnelles.
Prenons à titre d’exemple une expertise rendue dans le cadre d’un litige auquel il aura fallu consacrer de nombreuses heures dans un domaine pointu de l’exercice de la profession. Dans un tel cas, le professionnel pourrait invoquer les trois facteurs ci-haut mentionnés et réclamer en conséquence des honoraires plus élevés que ceux qu’il pourrait demander pour un service régulièrement rendu dans le cadre de sa pratique professionnelle.
La prévisibilité des coûts
Il est normal pour le client de s’inquiéter de l’ampleur des honoraires et à ce titre l’ergothérapeute doit, autant pour lui que pour son client, divulguer le coût approximatif et prévisible de ses services (art. 3.08.02).
Dans plusieurs cas, il peut être avantageux de prévoir par convention soit un taux horaire ou un prix forfaitaire. De même, si des déboursés importants sont à prévoir, il convient d’en aviser à l’avance le client.
Dans le cadre d’un tel contrat, il s’agira de fixer les limites des services professionnels et des frais qui y sont compris. Par exemple, si on convient avec le client d’un prix forfaitaire de 500 $ pour un rapport d’évaluation, il est important de préciser si la prestation du service inclut ou non une entrevue en vue d’expliquer les conclusions du rapport.
Le paiement à l'avance des honoraires
Malheureusement, on constate trop souvent chez certains professionnels l’existence d’un système par lequel on exige du client qu’il paie pour les services professionnels avant même que les services ne soient rendus. Cette pratique est en effet contraire à l’éthique professionnelle (art. 3.08.03).
Il est certain que l’ergothérapeute qui rend des services pour la première fois à un client peut parfois craindre d’avoir certains problèmes à percevoir ses honoraires. À cet égard, il n’existe pas de solution miracle mais soulignons que l’envoi de comptes d’honoraires intérimaires réguliers peut permettre de limiter les dommages face à un client mauvais payeur. Le compte intérimaire, dans le cas d’un mandat de moyenne ou longue durée, permet au client de suivre l’évolution des coûts et évite les surprises qu’occasionne l’envoi d’une seule facture à la fin d’un tel mandat.
Mentionnons qu’à l’égard de l’évolution des coûts, il est crucial de tenir informé le client, de faire régulièrement le point avec lui et de réévaluer ensemble les objectifs et les buts atteints depuis le début du mandat. On ne peut en effet minimiser l’importance de s’assurer du consentement du client à chaque étape significative du dossier.
Le contenu du relevé d'honoraires
En principe, le relevé d’honoraires transmis au client devrait contenir suffisamment de détail pour que ce dernier ait une idée assez précise des services rendus et des frais. Si besoin est, l’ergothérapeute a le devoir de fournir les précisions demandées par le client (art. 3.08.02).
L'intégrité
L’ergothérapeute doit s’acquitter de ses obligations avec intégrité (art. 3.02.01). Cette obligation déontologique s’applique avec acuité lors de la rédaction du compte d’honoraires tant vis-à-vis du client que du tiers payeur (CSST, SAAQ, compagnies d’assurance). Malheureusement, les situations où des professionnels modifient leur compte d’honoraires pour maximiser le montant payé par l’assureur ne sont pas rares.
En plus de constituer une fraude, ces situations sont très sévèrement sanctionnées par les comités de discipline des ordres professionnels. À titre d’exemple, il serait strictement défendu de scinder un traitement d’une valeur de soixante dollars (60 $) en deux traitements de trente dollars (30 $) chacun, sous prétexte que la police d’assurance indemniserait jusqu’à concurrence de 80 % du coût d’un traitement d’un coût maximal de trente dollars (30 $). Une telle pratique avantagerait le client pour un montant de vingt-quatre dollars (24 $) mais prive la compagnie d’assurance d’un montant équivalent en plus de constituer une forme de falsification de document dérogatoire à la dignité de la profession (4.01.01c).
La perception des honoraires
Il peut arriver que l’ergothérapeute ait des difficultés de perception de certains de ses comptes d’honoraires. En tant que professionnel, on s’attend qu’il agisse dans de tels cas avec tact et mesure.
Il est important de noter que s’il confie à un employé ou une autre personne la tâche de communiquer avec les clients retardataires, il demeure responsable de s’assurer qu’ils agissent avec doigté (art. 3.08.07).
Quant aux procédures judiciaires pour récupérer des honoraires non acquittés, elles constituent la dernière option après l’échec des autres moyens à la disposition du professionnel (art. 3.08.05).
Conclusion
Les honoraires professionnels constituent un sujet particulièrement délicat pour le professionnel et son client. Dans certaines circonstances, ils peuvent avoir un impact sur la relation de confiance mutuelle entre eux et même susciter la teneur d’une enquête par le syndic.
Il est certes légitime pour l’ergothérapeute de voir ses services convenablement rétribués mais il se doit en tant que professionnel d’agir dans ce domaine avec transparence, intégrité et tact.