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Retour à la listeDans le numéro de septembre 2008 d’Ergothérapie express, le bureau du syndic a rappelé aux ergothérapeutes leur obligation morale et légale d’obtenir de la part de leur patient un consentement libre et éclairé. La présente vignette illustre comment l’ergothérapeute pourrait commettre une faute disciplinaire en ne se soumettant pas à cette obligation, et ainsi subir une citation devant le conseil de discipline.
Vous travaillez dans une clinique privée où vous suivez un patient qui a subi une blessure lors d’un accident de travail. Le patient est en arrêt de travail et, à la suite de l’évaluation initiale et de l’élaboration du plan d’intervention, suit un programme de traitement ergothérapeutique quotidien. La CSST assume donc le coût des interventions. Lors d’une réévaluation, après plusieurs semaines de suivi, vous proposez au patient de modifier le plan d’intervention en intensifiant les activités. Le patient vous explique que ses douleurs demeurent présentes lorsqu’il se soumet à des activités plus intenses et refuse les modifications proposées. Ne considérant que les faits objectifs portant sur sa réévaluation des fonctions motrices, vous ne croyez pas le patient et interprétez ce refus comme une manière de demeurer en arrêt de travail. De plus, chaque semaine, l’agent de la CSST communique avec vous pour vous demander quand le patient retournera travailler.
Après deux semaines de refus de la part du patient, et sans explorer ses motifs ou valider l’interprétation de ce refus, vous décidez d’intensifier les activités. De plus, à l’insu du patient, vous écrivez une note au médecin traitant lui suggérant, dans le cadre du plan d’intervention ergothérapeutique, que le patient retourne travailler progressivement. Le médecin informe le patient de votre recommandation. Furieux, celui-ci refuse catégoriquement de poursuivre son traitement ergothérapeutique. Qui plus est, il communique avec le syndic de l’Ordre des ergothérapeutes du Québec et dépose une demande d’enquête.
L’enquête du syndic démontre que vous avez modifié le plan d’intervention en ne tenant aucun compte du refus du patient. Cet acte équivaut à une omission d’obtention du consentement du patient et va à l’encontre de l’article 3.02.03 du Code de déontologie, qui énonce l’obligation de l’ergothérapeute d’informer le patient de la nature et des modalités du traitement qu’exige son état de santé et, le cas échéant, d’obtenir son accord. De plus, l’article 3.03.02 du Code de déontologie prescrit que l’ergothérapeute doit fournir à son patient les explications nécessaires à la compréhension et à l’appréciation des services qu’il lui rend. À cette fin, il doit l’informer de sa relation avec l’agent payeur, du mandat, des interventions proposées et de leurs avantages ainsi que des conséquences possibles de ne pas modifier le plan d’intervention.
Il était donc obligatoire que vous informiez vous-même le patient de vos doutes sur les motivations du refus, des raisons justifiant les modifications proposées et du bien-fondé de la recommandation d’un retour progressif au travail. En passant outre, vous avez omis d’établir une relation de confiance avec le patient et vous vous êtes rendu coupable d’exercer votre profession de manière impersonnelle, ce qui va à l’encontre de l’article 3.01.04 du Code de déontologie. De plus, vous êtes aussi coupable de transmettre au médecin des renseignements de nature confidentielle sans avoir obtenu l’autorisation du patient au préalable, ce qui va à l’encontre de l’article 3.06.01 du Code de déontologie et de l’article 60.4 du Code des professions.
Enfin, il est possible que l’enquête révèle qu’à la suite de l’évaluation incomplète qui ne tenait pas compte des facteurs psychosociaux du patient, vous avez émis un avis avant d’avoir acquis une connaissance complète des faits, ce qui contrevient à l’article 3.02.04 du Code de déontologie. Il est également possible que l’enquête révèle que la recommandation du retour progressif du patient au travail découlait principalement de l’intervention d’un tiers, en l’occurrence l’agent de la CSST. Il est important de noter que même si un tiers payeur assume le coût des services d’ergothérapie, l’ergothérapeute porte une responsabilité professionnelle envers le patient. Il est donc interdit à l’ergothérapeute de lui imposer toute évaluation ou tout traitement sans obtenir son consentement explicite.
À la suite de cette enquête, le syndic peut déposer une plainte auprès du conseil de discipline. Cet exemple met en lumière certaines circonstances dans lesquelles l’ergothérapeute ne s’acquitte pas adéquatement de ses obligations professionnelles.