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Retour à la listeL’ergothérapeute « gestionnaire » et la conduite du processus d’intervention en ergothérapie : devoirs et obligations
Les ergothérapeutes, tant du secteur public que du secteur privé, exercent de plus en plus des fonctions administratives, de gestion ou de coordination1. Bien que ces ergothérapeutes se retrouvent à exercer souvent dans des proportions plus ou moins grandes des tâches administratives et de gestion, cela n’exclut pas nécessairement les tâches cliniques directement ou indirectement fournies à un client. Aussi, lorsque c’est le cas, les tâches ainsi réalisées font partie intégrante du processus d’intervention clinique tel que le décrit le Référentiel de compétences lié à l’exercice de la profession d’ergothérapeute (ci-après appelé le « référentiel »). Fort de cette observation, le bureau du syndic a jugé nécessaire de faire le point sur les obligations déontologiques et réglementaires de ces ergothérapeutes-gestionnaires.
Dans plusieurs milieux, ces ergothérapeutes-gestionnaires reçoivent les demandes de services et les attribuent selon la demande aux ergothérapeutes-cliniciens. À cette étape, ils peuvent être appelés à analyser les demandes de services (1.1.1 du référentiel), ce qui constitue le point de départ du processus d’intervention en ergothérapie. Pour ce faire, l’ergothérapeute-gestionnaire s’assure d’avoir en main les renseignements utiles à l’analyse, détermine également l’admissibilité et la pertinence de la demande, et effectue le suivi approprié. Cette analyse de la demande de services peut entraîner une modification ou une clarification de la demande qui est par la suite attribuée à un ergothérapeute-clinicien qui assurera le reste du processus d’intervention. Dans plusieurs milieux, l’ergothérapeute-gestionnaire est également responsable des communications avec les tiers. Ces communications avec les tiers peuvent avoir plusieurs visées comprises dans les actions 1.1.2, 1.1.3 et 1.2.2 du référentiel : communiquer le résultat de l’évaluation au demandeur de services, faire part au demandeur de services des moyens et modalités d’intervention préconisés de l’opinion professionnelle ou des recommandations, informer le demandeur de services de l’évolution de la situation du client au regard des objectifs d’intervention poursuivis, formuler les recommandations appropriées, discuter de la pertinence de mettre fin à l’intervention. Par conséquent, les deux ergothérapeutes, l’ergothérapeute-gestionnaire et l’ergothérapeute-clinicien assument conjointement le processus d’intervention en ergothérapie.
Compte tenu de ce qui précède, quelles sont les obligations déontologiques de l’ergothérapeute-gestionnaire ? Il est nécessaire de souligner, entre autres, l’application de certains articles du Code de déontologie des ergothérapeutes (Code) qui s’appliquent particulièrement à ces ergothérapeutes-gestionnaires. Tout d’abord, les articles 68 et 69 du Code s’appliquent aux ergothérapeutes-gestionnaires, étant donné qu’ils peuvent selon le cas exercer une quelconque autorité sur l’ergothérapeute-clinicien; en effet, l’ergothérapeutegestionnaire doit s’assurer que le cadre dans lequel l’ergothérapeute-clinicien exerce ses activités lui permet de respecter ses obligations professionnelles, et il ne doit pas profiter de sa position d’autorité ou de sa fonction pour entraver ou limiter de façon indue l’autonomie professionnelle de l’ergothérapeute-clinicien. L’ergothérapeute-gestionnaire, à cause de son double rôle de gestionnaire et de clinicien, peut avoir plusieurs clients ; par conséquent, il doit accorder une attention particulière aux articles du Code de déontologie portant sur les conflits d’intérêts, les règles de confidentialité et les règles d’accès au dossier. Enfin, dans le cadre de la communication avec les tiers, l’ergothérapeute-gestionnaire doit s’en tenir à l’information reçue de l’ergothérapeute-clinicien qui assure le suivi ; il doit en tout temps s’abstenir d’y ajouter sa propre analyse et(ou) des recommandations quant à l’intervention. Dans le cas contraire, l’avis donné par l’ergothérapeute-gestionnaire risque d’être incongru, incomplet et non fondé, contrevenant ainsi à l’article 22 du Code.
Quelles sont les obligations de l’ergothérapeute-gestionnaire relativement à la tenue de dossiers ? Le règlement sur la tenue de dossiers s’applique. En effet, en vertu de l’article 6 du Règlement sur la tenue de dossiers, l’ergothérapeute-gestionnaire est donc dans l’obligation de consigner par écrit tous les renseignements relatifs à l’analyse de la demande; cette obligation découle de l’article 6 du Règlement sur la tenue de dossiers (r 121.1), qui précise que l’ergothérapeute doit notamment inscrire ou verser à son dossier l’objet de la demande de services et, le cas échéant, toute clarification ou modification apportée à celuici (alinéa 4). Cette consignation est d’autant plus importante que l’ergothérapeute-clinicien qui assurera le suivi doit être en mesure, au besoin, de réexaminer l’analyse réalisée par l’ergothérapeute-gestionnaire et d’y apporter les modifications nécessaires. De plus, l’alinéa 13 du règlement sur la tenue de dossiers précise que l’ergothérapeute doit notamment inscrire ou verser à son dossier la date et un compte-rendu de toute communication pertinente avec le client ou un tiers. L’ergothérapeute-gestionnaire doit donc consigner par écrit toutes ses communications avec un tiers, peu importe leur objet.
En conclusion, il importe de rappeler que l’article 2 du Code de déontologie des ergothérapeutes du Québec stipule que le Code s’applique à tout ergothérapeute, quels que soient le mode d’exercice de ses activités professionnelles et les circonstances dans lesquelles il les exerce ; il en est de même pour le Code des professions et les autres règlements politiques et normes adoptés par l’Ordre.
1. Il peut s’agir de poste cadre ou non, et dans des nomenclatures variées par exemple chef de programme ou de services, conseiller en activités cliniques, coordonnateur clinique, coordonnateur de services, spécialistes en activités cliniques, etc.