Articles spéciaux

Retour à la liste

Rappel déontologique concernant les responsabilités de l’ergothérapeute au regard de ses activités réservées

DANS LE CADRE DE SON TRAVAIL, IL PEUT ARRIVER QU’UN(E) ERGOTHÉRAPEUTE SOIT MANDATÉ(E) PAR SON MILIEU POUR RÉALISER UNE ÉVALUATION OU INTERVENTION POUR LAQUELLE IL/ELLE CONSIDÈRE NE PAS DÉTENIR LES COMPÉTENCES SUFFISANTES. À CET ÉGARD, L’ERGOTHÉRAPEUTE DOIT DÉCLINER TOUTE DEMANDE DE SERVICES EN ERGOTHÉRAPIE POUR LAQUELLE IL OU ELLE NE DÉTIENT PAS LES COMPÉTENCES OU LES MOYENS REQUIS (ART. 30.2 DU CODE DE DÉONTOLOGIE DES ERGOTHÉRAPEUTES).

Or, l’OEQ constate que des ergothérapeutes refusent de réaliser des évaluations ou interventions sur la base d’un manque de compétences en la matière, sans toutefois entreprendre des actions visant à améliorer celles-ci. Il faut savoir que si une évaluation ou intervention pour laquelle l’ergothérapeute juge ne pas détenir les compétences suffisantes fait partie de ses activités réservées au Code des professions, il est attendu que ce dernier entreprenne avec diligence les démarches nécessaires en vue d’acquérir les compétences requises. En effet, l’ergothérapeute a un devoir de compétence. Il ou elle doit exercer sa profession selon les normes généralement reconnues et les règles de l’art.(Art. 15 du Code de déontologie des ergothérapeutes).

Un tel manquement pourrait d’ailleurs être considéré comme un acte dérogatoire à la profession (Art. 59.2 du Code des professions). L’ergothérapeute doit aussi favoriser l’amélioration de la qualité des services d’ergothérapie et appuyer les mesures susceptibles d’en favoriser l’accessibilité, notamment le mentorat et la formation continue (Art. 5 du Code de déontologie des ergothérapeutes). Il est à noter que ceci s’applique également dans une situation où l’ergothérapeute constate, dans le cadre de sa démarche clinique, que la réalisation d’une activité réservée est requise afin de répondre aux besoins de son client.

L’OEQ constate aussi que, dans certaines situations, l’organisation des services peut faire obstacle à la réalisation des activités réservées à l’ergothérapeute. Il importe d’ailleurs que l’organisation des services permette à l’ergothérapeute de réaliser celles-ci en toute autonomie professionnelle. En effet, l’ergothérapeute doit s’assurer que le cadre dans lequel il ou elle exerce sa profession lui permet de respecter les obligations qui lui incombent (Art. 10 du Code de déontologie des ergothérapeutes). Si l’ergothérapeute constate que l’organisation des services ne lui permet pas de réaliser ses activités réservées, il ou elle doit faire preuve de leadership en sensibilisant les acteurs concernés dans son milieu d’exercice. Certes, si la situation demeure et compromet l’exercice de la profession, l’ergothérapeute doit, en temps utile, informer le syndic de l’Ordre qu’il a des raisons de croire que la société au sein de laquelle il exerce contrevient au Code de déontologie, au Code des professions ou à un des règlements pris pour son application [Art. 90 par. 2b)].

Sachant que les activités réservées l’ont été en raison du risque de préjudice pour le public et du degré de complexité associé à leur réalisation, il importe que tout ergothérapeute détienne les compétences nécessaires à leur mise en œuvre.

Activités réservées

Les travaux de modernisation de la pratique professionnelle dans le domaine de la santé ont mené à l’adoption de la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé (PL no 90) et la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines (PL no 21), lesquelles ont notamment établi une réserve d’activités pour les membres de certains ordres.

Les critères ayant servi à identifier les activités nécessitant d’être réservées sont le risque de préjudice pour le public et la formation liée au degré de complexité que comportent les activités, critère sous-tendant que seules les personnes ayant les compétences pour accomplir une activité sont habilitées à le faire. Pour l’OEQ, il est impératif, dans une perspective de protection du public, que les ergothérapeutes détiennent les compétences nécessaires à la réalisation de leurs activités réservées.

Voici, en guise de rappel, les activités réservées à l’ergothérapeute? :

  • Procéder à l’évaluation fonctionnelle d’une personne lorsque cette évaluation est requise en application d’une loi ;
  • Évaluer la fonction neuromusculo-squelettique d’une personne présentant une déficience ou une incapacité de sa fonction physique ;
  • Évaluer les habiletés fonctionnelles d’une personne atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic ou par une évaluation effectuée par un professionnel habilité ;
  • Évaluer les habiletés fonctionnelles d’un élève handicapé ou en difficulté d’adaptation dans le cadre de la détermination d’un plan d’intervention en application de la Loi sur l’instruction publique ;
  • Évaluer les habiletés fonctionnelles d’un enfant qui n’est pas encore admissible à l’éducation préscolaire et qui présente des indices de retard de développement dans le but de déterminer des services de réadaptation et d’adaptation répondant à ses besoins ;
  • Prodiguer des traitements reliés aux plaies ;
  • Décider de l’utilisation des mesures de contention ;
  • Décider de l’utilisation des mesures d’isolement dans le cadre de l’application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris.

Dans les situations où l’ergothérapeute juge ne pas détenir les compétences suffisantes pour réaliser son activité réservée, il est attendu qu’il ou elle prenne les moyens nécessaires pour les acquérir, et ce, même si cette activité réservée est en partage avec d’autres professionnels. En effet, bien que l’activité réservée possède un libellé identique d’une profession à l’autre, elle n’a pas la même portée puisqu’elle doit s’inscrire dans les paramètres fixés par le champ d’exercice de chacune des professions habilitées à réaliser l’activité réservée.

Voici des exemples décrivant les actions que doit poser l’ergothérapeute lors de situations où il ou elle juge ne pas avoir les compétences requises pour réaliser une activité réservée.

  • Une ergothérapeute reçoit une demande pour décider de l’utilisation d’une mesure de contention pour un élève en milieu scolaire. L’ergothérapeute juge ne pas avoir les compétences suffisantes pour répondre à la demande. Elle doit:
  1. Consulter un autre ergothérapeute, un autre professionnel habilité ou diriger le client vers l’une de ces personnes (Art. 36 du Code de déontologie);
  2. Prévoir et réaliser des actions en vue d’acquérir les compétences attendues en respect à son activité réservée (Art. 5 et 15 du Code de déontologie).
  • Une ergothérapeute reçoit une requête professionnelle pour évaluer le besoin d’une aide technique à la posture au fauteuil pour un résident (CHSLD) atteint d’un trouble neurocognitif majeur (maladie d’Alzheimer). Dans le cadre de sa démarche, l’ergothérapeute apprend que l’usager présente de la résistance aux soins d’hygiène (symptômes comportementaux et psychologiques de la démence [SCPD]), ce qui compromet sa sécurité ainsi que celle des soignants. Cette information requiert de l’ergothérapeute qu’elle réalise son activité réservée qu’est l’évaluation des habiletés fonctionnelles chez une personne atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic. L’ergothérapeute mandatée, juge ne pas détenir les compétences suffisantes pour réaliser cette évaluation. De plus, l’évaluation des habiletés fonctionnelles à l’hygiène et aux activités de la vie quotidienne, chez une clientèle atteinte d’un trouble mental ou neuropsychologique attesté par un diagnostic, est actuellement confiée à un autre intervenant que l’ergothérapeute dans ce milieu de pratique, ce qui ne respecte pas le Code des professions. Conséquemment, l’ergothérapeute doit:
  1. Aviser son gestionnaire et l’intervenant non[1]ergothérapeute que l’évaluation des habiletés fonctionnelles d’une personne atteinte d’un trouble neurocognitif majeur est une activité réservée à l’ergothérapeute et que l’organisation des services doit assurer que les activités réservées à l’ergothérapeute soient réalisées par un(e) ergothérapeute (Art. 10 du Code de déontologie).
  2. Consulter et/ou référer à un autre ergothérapeute étant donné que seul un ergothérapeute peut réaliser cette activité réservée. (Art. 36 du Code de déontologie);
  3. Prévoir et réaliser des actions en vue d’acquérir les compétences attendues en respect à son activité réservée (Articles 5 et 15 du Code de déontologie).

Ainsi, une activité réservée et partagée par plus d’un groupe de professionnels ne veut pas dire que ceux-ci sont inter[1]changeables. Dans le cas de l’ergothérapeute, une activité évaluative réservée s’inscrira distinctement à l’intérieur de son champ d’exercice, soit l’évaluation des habiletés fonctionnelles.

Pour l’OEQ, il va de soi que l’accessibilité de la population québécoise à des services de qualité en ergothérapie est un incontournable pour la protection du public. Sachant que les activités réservées l’ont été en raison du risque de préjudice pour le public et du degré de complexité associé à leur réalisation, il importe que tout ergothérapeute détienne les compétences nécessaires à leur mise en œuvre. Il est donc de la responsabilité de l’ergothérapeute de réaliser les actions nécessaires, et ce, dans un délai raisonnable, afin d’acquérir les compétences attendues pour l’exercice de la profession. De même, l’organisation des services doit permettre aux ergothérapeutes d’effectuer les activités qui leur sont réservées, et ce, en tout respect des normes déontologiques et du Code des professions.