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Jugement du conseil de discipline en matière d’inconduite sexuelle chez un ergothérapeute

Dans l’édition de l’Ergothérapie express de mars 2018, nous vous informions de modifications au Code des professions en matière disciplinaire et ayant un impact sur les ergothérapeutes. 

L’une de ces modifications concernait les sanctions minimales dorénavant applicables en matière d’inconduite sexuelle. 

Ainsi, depuis ce changement d’importance au Code des professions, tout professionnel déclaré coupable d’avoir posé un acte dérogatoire visé à l’article 59.1, notamment en ayant eu des relations sexuelles avec son client pendant la durée de la relation professionnelle, est imposé d’une amende d’au moins 2 500 $ ainsi que d’une radiation minimale de 5 ans automatiquement. Cette radiation automatique de 5 ans ne pouvant être diminuée que si le professionnel visé convainc le conseil de discipline que les circonstances de l’inconduite justifient une radiation de durée moindre. 

Par ces récents amendements, le législateur a voulu accroître la protection du public en renforçant la sévérité des sanctions en matière d’inconduite sexuelle afin que la tolérance zéro évoquée depuis longtemps dans maintes décisions disciplinaires se traduise par des sanctions plus dissuasives diminuant ainsi les risques pour la population1.

En octobre 2019, le Conseil de discipline de l’Ordre a rendu une décision sur la culpabilité et la sanction dans un dossier d’inconduite sexuelle. Dans ce dossier, le bureau du syndic reprochait à l’ergothérapeute d’avoir eu, pendant la durée de sa relation professionnelle avec son patient, des relations sexuelles avec ce dernier, contrevenant ainsi à l’article 59.1 du Code des professions

Ainsi, bien que ces faits se soient déroulés avant l’entrée en vigueur des modifications législatives spécifiées, il faut savoir que le nouveau régime de sanctions est d’application immédiate depuis son adoption et ce, sans égard à la date de l’infraction. Par conséquent, l’ergothérapeute était visé par les nouvelles sanctions minimales imposées par le Code des professions.

En revanche, dans ce dossier, l’ergothérapeute a plaidé coupable et les parties ont conjointement présenté des recommandations au Conseil de discipline de l’Ordre. Dans ce cas, il faut souligner que le Conseil de discipline est alors tenu de suivre la recommandation conjointe des parties, à moins que les sanctions proposées soient susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elles soient contraires à l’intérêt public2. Conséquemment, plusieurs critères précisés à l’article 156 du Code des professions et reconnus par la jurisprudence doivent donc être considérés par le Conseil de discipline, en l’occurrence, la gravité des faits reprochés à l’ergothérapeute, la vulnérabilité du patient, la durée et la répétition des infractions, le repentir et la réhabilitation du professionnel, les antécédents disciplinaires ou semblables en la matière et le risque de récidive. 

Dans le dossier qui nous concerne3, l’ergothérapeute a eu deux relations sexuelles avec son client qui était suivi pour un retour au travail à la suite d’une blessure à la main. Bien que le patient ait consenti à ces relations sexuelles et qu’il ne s’agisse pas d’une agression sexuelle en tant que telle, le Conseil juge que les actions de l’ergothérapeute constituent une infraction à caractère sexuel parmi les plus graves. Ces dernières portant atteinte à la protection du public et minant sa confiance envers la profession. De plus, le Conseil a souligné et réitéré que, sur le plan déontologique, le consentement n’est pas pertinent et qu’un ergothérapeute ne peut profiter de sa position professionnelle pour avoir une relation sexuelle, même consensuelle, avec l’un de ses patients. Le Conseil rappelle en outre que l’ergothérapeute ne peut profiter de sa relation professionnelle pour avoir une relation sexuelle avec son client alors que l’ergothérapeute n’est dans une position d’autorité. 

En contrepartie, le Conseil considère que cette ergothérapeute fait preuve d’autocritique et a entamé une thérapie, rendant le risque de récidive plus faible. Par conséquent, le Conseil a suivi les recommandations conjointes des parties en imposant une période de radiation de 2 ans et 6 mois, une amende de 2 500 $, un stage de supervision qui devra toucher aux thèmes suivants, à savoir la distance relationnelle, les enjeux reliés à la relation d’aide, aux rôles multiples, aux conflits d’intérêts, et à l’indépendance professionnelle. 

De plus, il est à noter que dans ce dossier l’ergothérapeute a également été reconnu coupable d’entrave au bureau du syndic en ne répondant pas, dès le commencement de l’enquête, de façon complète et véridique à la syndique et a incité une personne à mentir à la syndique adjointe lors de son enquête.

Le Conseil a jugé ces comportements inacceptables. En effet, répondre promptement et de façon complète aux demandes du bureau du syndic est une obligation fondamentale pour la protection du public. Le Conseil a imposé, par conséquent, une radiation d’un mois supplémentaire à l’ergothérapeute.

1 Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt, 2017 CanLII 91008 (QC CDCM).

2 R. c. Anthony Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43; Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5; Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 89; Boivin c. R., 2010 QCCA 2187.

3 Voir la décision du Conseil de discipline de l’OEQ en date du 17 octobre 2019, SOQUIJ, [En ligne], http://t.soquij.ca/p9QJt