Articles spéciaux
Retour à la listeEn décembre 2008, l’Ordre des ergothérapeutes publiait, en collaboration avec la SAAQ, le Guide de l’ergothérapeute : « interventions relatives à l’utilisation d’un véhicule routier». Ce guide présente les règles de l’art dans ce domaine pointu de pratique et vise à soutenir les ergothérapeutes afin qu’ils puissent offrir des services de la plus haute qualité et remplir leurs obligations déontologiques.
Malgré la publication de ce guide, le nombre de demandes d’enquêtes au bureau du syndic portant sur les interventions relatives à l’évaluation des capacités à conduire un véhicule routier par les ergothérapeutes demeure encore élevé. Le conseil de discipline de l’Ordre a d’ailleurs rendu trois décisions à l’encontre d’ergothérapeutes ayant commis des infractions dans le cadre soit d’une évaluation des capacités à conduire un véhicule routier ou de l’évaluation des besoins pour l’adaptation d’un véhicule.
L’objectif de cet article consiste donc à faire un rappel des normes professionnelles et de certaines obligations déontologiques s’appliquant à ce secteur d’activité et mises en lumière dans ces décisions du conseil de discipline de l’Ordre des ergothérapeutes du Québec. Il est important de souligner que dans les trois dossiers dont il est question, le bureau du syndic a fait appel à un expert pour étoffer sa preuve devant le conseil de discipline.
Dans un premier jugement rendu en 20101, plusieurs infractions concernent le processus d’évaluation. Dans cette affaire, le conseil a reconnu une infraction en vertu de l’article 3.02.04 du Code de déontologie pour chacun des manquements suivants : (1) collecte de données incomplète et (2) analyse incomplète des résultats d’évaluation. En effet, cet article du Code stipule que l’ergothérapeute doit s’abstenir d’exprimer des avis ou de donner des conseils contradictoires ou incomplets. À cette fin, ce dernier doit chercher à acquérir une connaissance complète des faits avant de donner un avis ou de prodiguer un conseil. Dans deux décisions successives2, 3, les intimés ont tous deux plaidé coupables à des infractions similaires.
Il est aussi utile de rappeler qu’un des objectifs du guide publié en 2008 était de sensibiliser les ergothérapeutes à l’importance de développer les compétences nécessaires avant d’amorcer une évaluation de la conduite automobile. De fait, l’évaluation de l’aptitude physique et mentale à conduire un véhicule routier, ainsi que l’adaptation du véhicule, nécessite des connaissances et des compétences particulières et il revient à l’ergothérapeute de s’assurer de les acquérir avant d’exercer dans ce domaine. À cet égard, le guide propose des niveaux de compétence nécessaires pour les différentes activités et suggère la manière dont on peut acquérir ces compétences. En conséquence, l’ergothérapeute qui accepte une demande de services dans le domaine de la conduite automobile sans toutefois détenir la formation et (ou) les compétences attendues contrevient à l’article 3.01.01 du Code de déontologie des ergothérapeutes.
Dans les deux dernières décisions citées plus haut, les intimés ont plaidé coupables à des infractions à l’article 3.01.01 du Code de déontologie des ergothérapeutes qui stipule que l’ergothérapeute doit décliner toute demande de service qui dépasse sa compétence professionnelle ou pour laquelle les éléments d’information requis sont insuffisants. Le conseil a reconnu la culpabilité des ergothérapeutes du fait qu’ils n’ont pas décliné des demandes de services qui dépassaient leur compétence en acceptant et en réalisant, d’une part, des mandats d’évaluation fonctionnelle de l’aptitude physique et mentale à conduire un véhicule routier et, d’autre part, en acceptant un mandat d’adaptation de véhicule automobile sans détenir de formation adéquate.
Le guide confirme également qu’il est de pratique reconnue au Québec que l’ergothérapeute s’accompagne d’un moniteur de conduite lors de l’évaluation sur route et que cette évaluation s’effectue dans un véhicule approprié, compte tenu des risques pour la sécurité des occupants du véhicule et des autres usagers de la voie publique. Le conseil de discipline a d’ailleurs accepté un plaidoyer de culpabilité à ce sujet, car l’ergothérapeute avait procédé à des tests sur route sans la présence d’un moniteur de conduite et d’un frein moniteur, l’empêchant ainsi d’assurer la sécurité de tous, ce qui constitue un acte dérogatoire à la profession et contrevient à l’article 59.2 du Code des professions4.
Enfin, dans le secteur de l’évaluation de la conduite automobile, plusieurs ergothérapeutes exigent leurs honoraires avant d’effectuer l’évaluation et de remettre leur rapport, de peur que le client refuse de les payer dans l’éventualité où le rapport ne leur serait pas favorable. Or, il importe de rappeler que l’article 3.08.05 du Code de déontologie interdit une telle pratique. Le conseil de discipline a confirmé ce principe et reconnaît l’ergothérapeute1 coupable du fait d’avoir exigé au préalable le paiement de ses services dans le cadre d’une évaluation fonctionnelle de l’aptitude physique et mentale à conduire un véhicule routier. Ouvert aux préoccupations des ergothérapeutes à cet égard, le conseil a cependant ajouté ce qui suit :
[15] Il est facile d’imaginer que, sur réception d’un rapport d’évaluation automobile négatif, le client pourra être tenté de ne point payer les honoraires demandés par l’ergothérapeute;
[16] Mais il y a moyen d’éviter ce genre de situation en s’entendant avec le client pour recevoir des acomptes pour le travail effectué et un paiement final avant de remettre à celui-ci le rapport d’évaluation final lorsqu’il est terminé5.
Pour l’ergothérapeute travaillant dans le secteur de l’évaluation des capacités à conduire et de l’adaptation d’un véhicule routier, ces jugements illustrent que les normes professionnelles et les règles déontologiques qui s’appliquent à cette pratique sont clairement définies.
De plus, ces jugements donnent une indication claire des sanctions prévues par le Code des professions pouvant être imposées dans le cas où l’ergothérapeute est reconnu coupable d’une infraction dans le cadre d’une évaluation des capacités à conduire un véhicule routier et (ou) une adaptation d’un véhicule.
1. Florence Colas c. Perreault, 17-09-00022
2. Lemoignan c. Ouellet, 17-11-00024
3. Lemoignan c. Olcyzk, 17-13-00026
4. Olcyzk, 2013, supra note 3
5. Perreault, 2010, supra note 1