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Retour à la listeL'article 60.41 du Code des professions stipule que l’ergothérapeute ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client, lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse.
Cet article, repris tel quel dans le Code de déontologie des ergothérapeutes, revêt une importance particulière en présence d’un tiers payeur. De fait, dans un tel contexte, il peut s’avérer difficile pour l’ergothérapeute de savoir quelle information peut être transmise au tiers payeur et quelle information doit demeurer confidentielle. L’Ordre a publié un article2 à ce sujet en 2012 dans lequel il est notamment mentionné que le contrat de service professionnel signé par le client peut contenir une mention indiquant que ce dernier autorise l’ergothérapeute à transmettre au tiers payeur les renseignements pertinents qu’il recueille dans l’accomplissement de son mandat. La question est de savoir quels sont les « renseignements pertinents » qui peuvent ainsi être transmis. Le conseil de discipline de l’Ordre a récemment eu à se pencher sur cette question. Vous trouverez ci-dessous un résumé des faits pertinents de même que de la décision rendue par le conseil3.
Les faits à l’origine de cette décision sont essentiellement les suivants : une ergothérapeute est mandatée par un assureur public afin d’évaluer les besoins d’aide pour les travaux d’entretien courant du domicile de son client. Lors de la visite à domicile, le client confie à l’ergothérapeute qu’il a, il y a plusieurs années, entretenu une certaine amertume à l’égard de l’assureur public et qu’il a même déjà songé à recourir à des méthodes violentes envers ce dernier. Le client précise toutefois à l’ergothérapeute que tout cela est chose du passé et qu’il n’entretient plus de telles pensées.
Or, bien que cette information était non pertinente au regard du mandat qui lui avait été confié par l’assureur public, l’ergothérapeute a rapporté les propos du client à l’assureur qui a, par la suite, remis une mise en demeure au client.
L’ergothérapeute a été reconnue coupable de ne pas avoir respecté le secret professionnel du client et une amende de 2 000 $ lui a été imposée, de même qu’une radiation du tableau de l’Ordre de deux semaines.
En effet, dans une décision datée du 27 septembre 2013, le conseil de discipline a examiné l’ensemble des circonstances et a conclu que, bien que le client avait autorisé l’ergothérapeute à communiquer certains renseignements au tiers payeur par l’entre mise du contrat de services professionnels, l’information en question n’avait « […] aucun rapport avec le mandat confié » à l’ergo thérapeute et était de nature confidentielle. Seule l’information pertinente au mandat confié à l’ergothérapeute pouvant être partagée avec le tiers payeur, le conseil a jugé que l’ergothérapeute n’était pas autorisée à transmettre cette information qui lui avait été confiée par le client et qui était protégée par le secret professionnel.
De plus, dans cette affaire, le client n’avait jamais renoncé de façon expresse ou implicite au secret professionnel concernant les confidences qu’il avait faites à l’ergothérapeute dans l’exercice de sa profession. En conséquence, l’ergothérapeute se devait de respecter le secret professionnel qui la lie à son client. L’ergothérapeute a donc été reconnue coupable d’une infraction en vertu des articles 3.06.014 et 3.06.035 du Code de déontologie des ergothérapeutes et de l’article 60.46 du Code des professions.
Le conseil a également jugé dans cette cause que l’ergothérapeute avait posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession, contrevenant ainsi à l’article 59.27 du Code des professions, puisque l’ergothérapeute a fait parvenir au tiers payeur un rapport ayant pour but de rétablir sa crédibilité et sa réputation ainsi que certains faits à la suite du signalement fait par le client au bureau du syndic.
Dans sa décision, le conseil de discipline a pris en considération l’intention de l’ergothérapeute motivant la rédaction dudit rapport et souligne que celui-ci « […] n’apporte rien au résultat de l’évaluation et sur le besoin d’aide à domicile ». Le conseil de discipline a conclu que la rédaction de ce rapport n’était pas le bon moyen pour rétablir les faits. En rédigeant et en faisant parvenir au tiers payeur ce rapport, l’ergothérapeute « […] a fait preuve d’un manque de prudence flagrant, suffisant pour constituer un manquement à l’éthique professionnelle ». Une amende de 1 500 $ a été imposée à l’ergothérapeute à l’égard de ce chef.
Cette décision illustre bien les limites du partage d’information en présence d’un tiers payeur et souligne l’importance pour l’ergothérapeute de s’assurer de ne transmettre que l’information pertinente au mandat confié afin d’assurer le respect du secret professionnel dont bénéficie le client qui fait l’objet de l’évaluation.
1. Code des professions, article 60.4. Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession. Il ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse. Le professionnel peut, en outre, communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiables. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication.
2. « L’obligation pour l’ergothérapeute de respecter le secret professionnel et les confidences d’un client. Qu’en est-il en présence d’un tiers payeur ? », Ergothérapie express, juin 2012, disponible sur le site Web de l’Ordre, dans la section réservée aux membres.
3. Dossier 17-12-00025, 27 septembre 2013 et 24 mars 2014. Les décisions sont disponibles sur le site Web de l’Ordre, à l’onglet Protection du public/Conseil de discipline/Décisions du conseil.
4. Code de déontologie des ergothérapeutes, article 3.06.01. L’ergothérapeute doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle obtenu dans l’exercice de sa profession.
5. Code de déontologie des ergothérapeutes, article 3.06.03. L’ergothérapeute doit éviter les conversations indiscrètes au sujet d’un client et des services qui lui sont rendus.
6. Idem 1
7. Code des professions, article 59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.