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Retour à la listeApproche populationnelle en promotion de la santé et en prévention : compétences attendues des ergothérapeutes
L’exercice de l’ergothérapie se diversifie. Alors que la plupart des ergothérapeutes interviennent de manière traditionnelle auprès d’un client ou d’un groupe de clients, d’autres réalisent maintenant des activités axées sur les besoins d’une communauté ou d’une population. On constate en effet que de plus en plus d’ergothérapeutes oeuvrent dans les secteurs communautaires et de santé publique. Ces activités réalisées à plus large spectre relèvent d’un autre type d’approche (souvent désignée de populationnelle) et font appel à d’autres théories et méthodes que celles typiquement utilisées en ergothérapie. Le Référentiel de compétences lié à l’exercice de la profession d’ergothérapeute au Québec (désigné ultérieurement Référentiel de compétences aux fins de simplification) définit les compétences de base attendues de tout ergothérapeute pour exercer la profession, ce qui inclut les ergothérapeutes exerçant auprès des communautés et des populations (OEQ, décembre 2010, mise à jour mars 2013).
Le comité d’inspection professionnelle a pu constater que l’utilisation d’une approche populationnelle dans l’exercice de la profession entraînait parfois de la confusion quant au rôle de l’ergothérapeute ainsi qu’à la compréhension de l’application des normes professionnelles en la matière. Afin de soutenir l’exercice de la profession dans un contexte d’approche populationnelle, cet article vous offre une synthèse des compétences attendues des ergothérapeutes exerçant dans un tel secteur d’activité.
Tout d’abord, le Code des professions précise que « l’information, la promotion de la santé et la prévention (…) auprès des individus, des familles et des collectivités font également partie de l’exercice de la profession du membre d’un ordre dans la mesure où elles sont reliées à ses activités professionnelles. » Autrement dit, l’ergo thérapeute peut être appelé à réaliser des activités de promotion de la santé et de prévention liées aux activités de son champ d’exercice : « évaluer les habiletés fonctionnelles, déterminer et mettre en oeuvre un plan de traitement et d’intervention, développer, restaurer ou maintenir les aptitudes, compenser les incapacités, diminuer les situations de handicap et adapter l’environnement dans le but de favoriser l’autonomie optimale de l’être humain en interaction avec son environnement » (Code des professions, 2012). Pour ce faire, il réalise un processus d’intervention tel qu’il est décrit dans le Référentiel de compétences et adapté aux particularités de la population cible concernée.
Quand un ergothérapeute exerce selon une approche populationnelle, l’objet de son intervention est une population cible. Dans ce contexte, l’ergothérapeute pourrait avoir pour rôle d’habiliter cette population cible à se maintenir en santé, par exemple, en favorisant une participation optimale dans des occupations signifiantes. Selon son contexte de travail, l’ergothérapeute pourrait être appelé à développer des programmes de promotion de la santé ou de prévention auprès d’une population cible ou à les implanter.
Tout comme pour l’intervention individuelle auprès d’une personne, l’ergothérapeute ayant pour mandat de développer un programme de promotion de la santé ou de prévention pour une population ciblée doit d’abord amorcer le processus d’intervention ergothérapique par l’analyse du mandat (correspondant à la demande de services dans le contexte d’une pratique plus traditionnelle de l’ergothérapie) et la réalisation des étapes d’analyse du problème de santé de la population ciblée et des facteurs associés à ce problème (correspondant à l’étape d’évaluation initiale dans le contexte d’une pratique plus traditionnelle de l’ergothérapie). Il doit ensuite élaborer le programme de promotion de la santé ou de prévention eu égard aux habitudes de vie de la population cible, incluant les objectifs du programme et les stratégies utilisées pour les atteindre, les ressources nécessaires de même que les critères qui serviront à évaluer le succès du programme (correspondant à l’étape d’élaboration du plan d’intervention dans le contexte d’une pratique plus traditionnelle de l’ergothérapie). À cette fin, l’application des principes d’évaluation de programmes s’avérera des plus pertinentes.
Dans les cas où le mandat de l’ergothérapeute consiste à implanter un programme de promotion de la santé ou de prévention, qu’il soit nouveau ou déjà bien reconnu, l’ergothérapeute doit avant toute chose analyser la nature du mandat qui lui est donné, procéder à une évaluation initiale des participants au programme qui soit cohérente avec celui-ci, offrir ledit programme et évaluer son succès afin d’en justifier la pertinence.
En parallèle à la conduite du processus d’intervention en ergothérapie basée sur une approche populationnelle, l’ergothérapeute doit également s’assurer d’effectuer une tenue de dossiers appropriée. Selon qu’il lui faut développer ou implanter un programme de promotion de la santé ou de prévention, l’ergothérapeute doit rendre compte du mandat reçu et des méthodes d’évaluation utilisées pour recueillir des données sur sa population cible (p. ex. : résultats d’enquêtes populationnelles ou d’études en lien avec un problème de santé dans le cas du développement d’un programme). Il doit également rendre compte du résultat de son évaluation et de son analyse (p. ex. : ce qui justifiera l’offre de services), des discussions pertinentes (p. ex. : échanges pertinents avec le mandataire), du plan d’intervention (p. ex. : description du programme de promotion de la santé ou de prévention), des services professionnels qui ont été rendus (p. ex. : indiquer combien de séances du programme ont été offertes, le nombre de participants, le taux d’assiduité aux séances) et enfin la conclusion de l’intervention (p. ex. : date officielle de la fin du programme, suites à donner, le cas échéant). Il est important de rappeler que différentes options peuvent être retenues pour rendre compte de ces éléments selon le contexte d’intervention. Ces options feront l’objet d’un autre article à paraître au cours de la prochaine année.
Comme il s’agit actuellement d’un secteur d’activité en émergence, il importe que les ergothérapeutes s’engageant dans de telles activités recherchent le soutien requis pour les exercer avec compétence. Quelques actions s’offrent à eux pour guider leurs réflexions, notamment par des discussions avec d’autres ergothérapeutes ou des chercheurs et experts du domaine, des consultations du Référentiel de compétences, des échanges sur le forum de discussion du Portail.OEQ, un engagement dans un processus de mentorat de même que par des communications auprès du soutien téléphonique de l’Ordre.
En conclusion, bien que l’exercice de l’ergothérapie dans un contexte d’approche populationnelle soit un secteur d’activité en émergence, l’Ordre croit que l’implication d’ergo thérapeutes y est des plus pertinentes de par leur potentielle contribution à la santé et au bien-être de la population. En s’assurant d’exercer la profession en conformité avec leurs normes professionnelles, les ergothérapeutes oeuvrant dans les secteurs communautaires et de la santé publique pourront y établir solidement leur place et y affirmer l’étendue de leurs possibles contributions.