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Télépratique interjuridictionnelle : quelles sont les règles applicables ?

AU COURS DE LA DERNIÈRE DÉCENNIE, LA TÉLÉPRATIQUE, AUSSI CONNUE SOUS LE NOM DE TÉLÉSANTÉ, A ÉMERGÉ COMME UNE FORCE MOTRICE  DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ, TRANSFORMANT NOTAMMENT LA MANIÈRE DONT LES CLIENTS REÇOIVENT DES SERVICES DE SANTÉ. L’AVÈNEMENT  DE LA PANDÉMIE DE COVID-19 ET LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR LA DISTANCIATION SOCIALE AINSI QUE LES RESTRICTIONS DE DÉPLACEMENT  ONT PLACÉ LA TÉLÉPRATIQUE EN AVANT-PLAN EN LA POSITIONNANT  COMME UN OUTIL DE CHOIX POUR ASSURER L’ACCESSIBILITÉ ET  LA CONTINUITÉ DES SERVICES, NOTAMMENT CEUX OFFERTS  EN ERGOTHÉRAPIE.

Par le passé, l’Ordre a publié divers documents[1] en lien avec l’utilisation de la télépratique afin de sensibiliser les ergothérapeutes à certains enjeux d’ordre clinique, déontologique et technologique. Par ces documents, les ergothérapeutes étaient également invités à s’assurer que l’utilisation de services en télépratique était possible, pertinente et visait les meilleurs résultats possibles dans les circonstances. Le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) a quant à lui produit un document portant sur la télépratique et la gestion du dossier numérique[2].

Toutefois, ces documents ne touchent pas à la télépratique dans un contexte interjuridictionnel, c’est-à-dire lorsqu’une même situation de télépratique concerne deux ou plusieurs juridictions.

Bien qu’il n’y ait actuellement pas de réponse concertée quant à l’encadrement de la télépratique interjuridictionnelle en vue de la protection du public, la meilleure pratique consiste à ce que les ordres de juridictions différentes réglementant une même profession établissent des ententes interjuridictionnelles concernant l’encadrement de la télépratique.

Par le présent article, l’Ordre souhaite faire le point quant aux divers paramètres entourant le droit à la télépratique interjuridictionnelle, tant au Canada qu’à l’extérieur du Canada.

Télépratique interjuridictionnelle à travers le Canada

Au cours des derniers mois, l’OEQ a participé à des discussions avec l’Association canadienne des organismes de réglementation en ergothérapie (ACORE). Ces discussions visaient à faciliter l’accès à la télépratique interjuridictionnelle pour les ergothérapeutes à travers le Canada, tout en respectant le cadre juridictionnel de chaque province, notamment en matière d’activités réservées. Ces discussions ont mené à l’établissement d’une entente sur la télépratique interjuridictionnelle en ergothérapie au Canada. Plusieurs ordres professionnels provinciaux, dont l’OEQ, ont signé cette entente dont voici un aperçu d’ensemble des résultats sous la forme question/réponse.

Ai-je le droit d’offrir un service en télépratique à un client situé dans une autre province canadienne sous la seule base d’être membre de l’OEQ ?

Il est recommandé de vérifier auprès de l’ordre professionnel encadrant l’exercice de la profession dans la province dans laquelle le client est situé (juridiction secondaire) si des exigences d’admission sont requises selon votre situation.

Certaines provinces signataires de l’entente acceptent qu’un membre de l’OEQ offre des services d’ergothérapie à distance à un client ou une cliente se trouvant physiquement dans leur juridiction (secondaire) sans détenir d’autorisation d’exercice de cette juridiction. D’autres provinces pourraient toutefois exiger une autorisation d’exercice (p. ex. : obtenir un permis, une autorisation temporaire et/ou devenir membre).

Quels règlements s’appliquent en situation de télépratique interjuridictionnelle : ceux de l’OEQ ou ceux de la juridiction secondaire ?

Lorsque vous offrez un service en télépratique à un client ou une cliente se trouvant dans une autre province, vous devez continuer à vous conformer aux exigences réglementaires de l’OEQ, par exemple sur le plan de la tenue de dossiers et des obligations déontologiques. D’autre part, vous devez vous enquérir des exigences réglementaires auprès de l’ordre professionnel de la juridiction secondaire, et les respecter le cas échéant.

Suis-je couvert sur le plan de la responsabilité professionnelle ?

Le contrat d’assurance responsabilité professionnelle des membres de l’OEQ couvre les activités entrant dans le champ d’exercice de l’ergothérapie et l’assureur acceptera une réclamation présentée par un client ou une cliente (ou un tiers) donnant lieu à des procédures judiciaires intentées au Canada contre l’ergothérapeute. 

Toutefois, nous vous conseillons en tout temps de vous assurer que votre couverture d’assurance correspond à ce qui est exigé dans votre situation précise en communiquant directement avec l’assureur. Une couverture supplémentaire ou adhésion auprès d’un autre assureur pourrait être requise.

Télépratique interjuridictionnelle à l’extérieur du Canada

Si vous souhaitez offrir des services en télépratique sur une base temporaire ou prolongée auprès d’un client ou une cliente hors du Canada, vous devez préalablement vous enquérir des exigences d’exercice et règles applicables auprès de l’organisme de réglementation ayant juridiction à l’endroit où se trouve le client. 

Comme mentionné ci-devant, vous devez continuer à vous conformer aux exigences réglementaires de l’OEQ et également respecter les exigences réglementaires de l’ordre professionnel de la juridiction secondaire, le cas échéant.

Par ailleurs, des enjeux sont à considérer concernant l’assurance responsabilité professionnelle en situation de télépratique interjuridictionnelle lorsqu’une des juridictions est située à l’extérieur du Canada. D’abord, il est requis de vérifier auprès de l’organisme réglementaire de la juridiction où se situe le client ou la cliente en quoi consistent les exigences en matière d’assurances en responsabilité professionnelle. Par ailleurs, comme mentionné précédemment, la police d’assurance des membres de l’OEQ prévoit que la couverture d’assurance responsabilité professionnelle s’applique dans l’éventualité où une réclamation présentée par un client ou une cliente (ou un tiers) donne lieu à des procédures judiciaires intentées au Canada contre l’ergothérapeute. Par conséquent, si le client ou une cliente (ou un tiers) intente des procédures judiciaires contre l’ergothérapeute dans le pays dans lequel le client ou la cliente ou le tiers se trouve, l’assureur conclura que la limite territoriale (le Canada) n’est pas respectée, et par conséquent la couverture d’assurance responsabilité ne s’appliquera pas.

Nous vous conseillons en tout temps de vous assurer que votre couverture d’assurance couvre l’ensemble des besoins dans votre situation précise. Une couverture supplémentaire ou adhésion auprès d’un autre assureur pourrait être requise. 

La clientèle dispose-t-elle d’un recours auprès de l’OEQ ?

Lorsque vous offrez un service en télépratique à un client ou une cliente se trouvant à l’extérieur du Québec, ou si vous offrez un tel service alors que vous êtes vous-même à l’extérieur du Québec, le client ou la cliente a accès au processus de plainte de l’OEQ.

Vous êtes à l’extérieur du Québec et votre client(e) est au Québec ?

Vous devez maintenir votre inscription au tableau de l’OEQ et vérifier si la profession est réglementée à l’endroit où vous vous trouvez physiquement. Vous devez vous conformer aux exigences réglementaires de la juridiction secondaire.

Qu’en est-il d’une personne non membre de l’OEQ souhaitant offrir des services en télépratique à un client ou une cliente se trouvant au Québec ?

Si un ou une ergothérapeute non membre de l’OEQ souhaite exercer en télépratique les activités réservées aux membres de l’OEQ auprès d’un client ou d’une cliente se trouvant au Québec, il ou elle devra devenir membre de l’OEQ. Dans des cas spécifiques (p. ex. une intervention temporaire), une autorisation spéciale pourrait être délivrée plutôt que d’exiger d’être membre de l’OEQ. L’ergothérapeute non membre de l’OEQ qui se trouverait à exercer en télépratique les activités réservées sans obtenir d’autorisation de l’OEQ se placerait potentiellement en situation d’exercice illégal.

Si l’ergothérapeute non membre de l’OEQ n’a pas l’intention d’effectuer une activité réservée aux membres de l’OEQ, aucune autre autorisation d’exercer la profession n’a à être émise par l’OEQ.

Les exigences édictées ci-haut s’appliquent également dans le cas où l’ergothérapeute non membre de l’OEQ souhaiterait offrir des services en télépratique à partir du Québec auprès d’un client situé hors Québec.

En conclusion

En situation de télépratique interjuridictionnelle, vous devez en tout temps vous conformer aux exigences réglementaires de la juridiction qui encadre la profession tant à l’endroit où vous vous situez qu’à l’endroit où se situe le client ou la cliente. Il est par ailleurs recommandé de détenir une couverture d’assurance vous protégeant adéquatement.

[1] L’intervention à distance, Ergothérapie express, mars 2013 ; COVID-19 — Télépratique en ergothérapie, Infolettre, mai 2020 ; Logigramme à la prise de décision, Intervenir à distance par le numérique, CEFRIO, avril 2020.

[2] Document portant sur la télépratique et la gestion du dossier numérique en santé et en relations humaines, Conseil interprofessionnel du Québec, 2016.