Chroniques de l'ergothérapie
Retour à la listePeindre une toile, s’habiller, préparer une recette, conduire une automobile, faire de la menuiserie, jouer dans le sable : autant d’activités qui nécessitent des gestes différents, qui sollicitent diverses fonctions du corps humain et qui sont pratiquées par des personnes aux intérêts distincts et d’âges variés. Cuisiner un gâteau chez soi pour un souper en famille et en préparer un à titre de chef dans un grand restaurant sont aussi des activités fort différentes. Par ailleurs, s’adonner à une activité qu’on aime, c’est le bonheur, mais devoir réaliser une activité qui ne nous intéresse pas, quelle corvée!
L’ergothérapeute est formé pour analyser les composantes des activités (comme celles nommées ci-dessus) pour en dégager le potentiel thérapeutique. Sa formation l’amène aussi à considérer l’importance de l’environnement sur l’activité humaine, de même que le fabuleux pouvoir de l’intérêt comme source de motivation à agir.
L’analyse d’activité
Pour déterminer le potentiel thérapeutique des activités, l’ergothérapeute procède à l’analyse de leurs composantes, soit les composantes physiques, cognitives, affectives et sociales. Pour ce faire, il s’appuie sur ses connaissances anatomiques, neurologiques, physiologiques et psychologiques, et sur ses connaissances du développement normal.
Les composantes physiques
Toutes les activités (menuiserie, cuisine, jeux, etc.) sollicitent des muscles particuliers et exigent le maintien de l’équilibre en position debout, assise ou accroupie. Certaines demandent de meilleures réactions que d’autres pour éviter les chutes. Selon les gestes requis, une activité peut solliciter la dextérité, la coordination oeil-main, l’endurance (soit la capacité à répéter les mêmes gestes pendant un certain temps), tandis qu’une autre peut nécessiter l’utilisation des deux mains à la fois ou diverses façons de tenir les objets (entre le pouce et l’index, avec trois doigts, avec la paume de la main, etc.). Certaines activités exigent des mouvements de grande amplitude qui impliquent, par exemple, l’épaule et le coude ; d’autres, au contraire, nécessitent seulement l’utilisation des doigts et du poignet.
Les composantes cognitives
Les composantes cognitives de l’activité réfèrent aux grandes fonctions qui permettent à l’individu d’interagir avec son environnement. Qui dit cognition, dit connaissance. Telle activité comporte-t-elle une séquence à respecter (ex. : préparer une recette de cuisine)? Sollicite-t-elle des habiletés de stratégie (ex. : un jeu de société)? Demande-t-elle de l’attention et de la concentration (ex. : découper ou peindre dans un espace restreint)? Requiert-elle de la mémoire, du jugement (ex. : se rappeler une procédure, estimer la quantité de produit nécessaire)?
Les composantes affectives et sociales
Toute activité comprend aussi des caractéristiques psychologiques qui réfèrent aux émotions et aux sentiments de la personne. Réaliser un produit fini, comme une peinture, un travail de menuiserie ou une recette de cuisine, contribue à rehausser l’estime de soi de la personne qui avait perdu confiance en ses habiletés. Mais il y a beaucoup plus. Telle activité peut favoriser l’autonomie de la personne, nécessitant par exemple, qu’elle choisisse les couleurs et la forme d’un projet et qu’elle en détermine l’ampleur. L’activité peut l’inciter à dévoiler ses sentiments, comme c’est le cas, par exemple, dans une production artistique. Telle autre activité peut exiger un bon contrôle de soi parce qu’elle entraîne des moments de frustration et de découragement. L’expression de l’agressivité, de façon socialement acceptable, est possible dans plusieurs activités telles que travailler la glaise ou clouer des planches.
Enfin, les considérations sociales sont aussi analysées. Cette activité nécessite-t-elle un partenaire? Stimule-t-elle le partage de matériel, la communication, la collaboration?
L’importance de l’intérêt comme source de motivation
Quand, du jour au lendemain, on se retrouve incapable d’accomplir ce que l’on faisait jusque-là sans aucun effort, ou quand on a depuis toujours du mal à accomplir l’activité la plus simple, à cause d’une déficience de naissance par exemple, la tentation est grande de baisser les bras. Pas facile d’être motivé à demeurer actif dans ces conditions.
À l’inverse, quand on aime ce que l’on fait et qu’une activité nous passionne, on ne compte pas ses efforts pour la mener à bien. Même si c’est difficile, on la poursuit, parce qu’elle est agréable et qu’on y attache une grande importance.
Pour aider les personnes aux prises avec des difficultés à agir dans le quotidien, l’ergothérapeute évalue non seulement les capacités et les limitations de son client, mais aussi ses intérêts. Pour certains, ce sera le bricolage, les activités de cuisine, les activités artistiques; pour d’autres, les activités physiques, intellectuelles, ou toute activité faite en groupe.
Arrimage entre le potentiel thérapeutique de l’activité et l’intérêt du client
L’analyse des composantes de l’activité permet à l’ergothérapeute de déterminer les activités pouvant stimuler les fonctions atteintes d’une personne. Parmi ces activités, l’ergothérapeute propose celles qui intéressent particulièrement cette personne. Cet arrimage entre les intérêts du client et le potentiel thérapeutique de l’activité, c’est tout l’art de l’ergothérapie qui permet ainsi d’individualiser chaque nouvelle intervention.
Cet arrimage permet aussi d’accroître le potentiel thérapeutique de l’activité, puisque l’intérêt de la personne la motive à fournir davantage d’efforts pour la réussir. C’est alors que commence le travail thérapeutique. Par sa relation au client, son soutien constant, sa capacité à adapter et à graduer les difficultés de l’activité selon les possibilités et l’évolution du client, l’ergothérapeute contribue à lui redonner le pouvoir d’agir et l’accompagne dans la reconquête de sa capacité d’agir.
Le travail de l’ergothérapeute est donc à la fois une science qui s’appuie sur de solides connaissances et des techniques éprouvées, et un art, pour personnaliser son approche selon le client et ses intérêts.